Il était une fois,

dans une grande forêt,

un joli petit papillon.

 

Ce joli petit papillon blanc aimait voler de fleur en fleur l’été,

quand leurs odeurs lui faisaient du charme

et qu’il ne savait ainsi plus ou donner de la tête,

tellement chacune était attirante sous la chaleur aimable du soleil

qui se réveille en dégourdissant la nature.

 

Il laissait alors son ombre furtive survoler les champs

d’herbe tendre et de fleurs multicolores

pour se poser délicatement sur la plus odorante et la plus colorée.

Il se laissait alors bercer dans ce coeur sucré de la fleur ondulée par la brise

et se rassasiait de son délicat nectar tendre et frais.

Tous ses sens dégustaient la chaleur du soleil sur son dos et ses ailes,

ou se faufilait l’agréable fraîcheur de la brise.

Il appréciait le coeur de la fleur qui lui chatouillait le ventre,

les gouttes sucrées qu’il suçait goulûment

au beau milieu de cette coupe rouge

que formaient les pétales de cette fleur qu’il avait choisie.

 

Ces fleurs, ces champs et ces prés d’été étaient aussi multicolores que ses autres amis papillons.

 

Notre petit papillon, lui, était blanc.

Absolument tout blanc.

Blanc comme le sont les montagnes rudes en plein hiver,

blanc comme la feuille du poète sans idée,

blanc comme le soleil qui aveugle derrière les nuages.

 

Non pas que notre petit papillon n’appréciait pas sa couleur.

Elle lui plaisait beaucoup, lui allait à merveille

et se mariait avec harmonie avec celles des fleurs sur lesquelles il se posait.

Mais elle lui avait valu quelques frayeurs déjà,

car les oiseaux affamés pouvaient ainsi le voir de très loin

et il se trouvait ainsi être une proie des plus faciles au milieu de ces prés.

Le plus myope des oiseaux pouvait le repérer très facilement la journée.

Notre petit papillon blanc le savait très bien

et cela l’empêchait parfois d’apprécier pleinement

ces plaisirs de batifolage auxquels il s’adonnait si plaisamment.

 

Une abeille de ses amies ,qu’il rencontrait souvent parmi les fleurs,

s’était étonnée de la couleur blanche des ailes du petit papillon.

Il lui répondit qu’il était sorti ainsi de son cocon

et ignorait comment colorer ses ailes.

L’abeille était toute étonnée de la réponse du petit papillon et lui dit :

« alors tu ne connais pas la vallée magique des couleurs ? »

 

Le petit papillon blanc ignorait tout de cette vallée.

Il avait toujours cru que la couleur des ailes des autres papillons

leur venait de la multitude de fois

ou ils s’étaient posés sur les fleurs dont chacune, tout au long des années,

leur aurait confié une tâche de leur couleur.

 

Il se renseigna alors auprès des autres papillons,

chaque fois qu’il en rencontrait un aux ailes colorées.

Mais aucun ne se souvenait d ’ une vallée magique des couleurs.

Il en parla à son amie l’abeille.

Elle ignorait aussi l’emplacement de cette vallée.

Elle conseilla à son ami le papillon d’aller voir Monsieur Hibou dans la Grande Forêt.

 

Monsieur Hibou connaissait, disait-on,

réponse à toutes les questions que les animaux se posaient. 

L’hirondelle qui avait le vertige,

le renard sans plus d’idée,

le lapin qui perdait ses forces à la simple vue d’une tortue,

la taupe qui avait peur du noir,

tous s’étaient confié à Monsieur Hibou

et avaient trouvé réponse à leur souci.

 

Le petit papillon blanc se dit que Monsieur Hibou saurait sans doute l’aider à trouver 

cette vallée magique des couleurs.

 

Un beau matin, le petit papillon blanc pris le chemin de la Grande Forêt.

Tous les animaux qu’il rencontra connaissaient bien l’arbre de Monsieur Hibou

et le petit papillon blanc eut vite trouvé ce vieux et grand chêne.

Mais le petit papillon eut beau faire en chatouillant les oreilles du Hibou avec ses ailes,

en essayant de lui soulever les paupières,

en lui criant dans le creux de l’oreille,

rien n’y fit.

Le sommeil de Monsieur Hibou était plus fort que tout.

 

Le lapin qui avait remarqué les mouvements du petit papillon

accouru au pied de l’arbre et lui conseilla vivement d’arrêter tout de suite ses tentatives

pour réveiller Monsieur Hibou.

« Tu ne sais donc pas que Monsieur Hibou a horreur d’être réveillé en plein milieu de la journée ?

Ça le met de très mauvaise humeur pour toute la nuit.

Reviens plutôt ce soir si tu veux lui parler. »

 

Le soleil couché, le petit papillon revint au vieux et grand chêne.

Monsieur Hibou était toujours sur la même branche que cet après-midi 

et avait effectivement ouvert un œil.

Mais un seul.

Car le ciel était sans nuage

et Monsieur Hibou ne s’était pas encore fait à la lumière

que divulguait la lune et qui l’éblouissait encore.

Le petit papillon blanc

laissa Monsieur Hibou se réveiller puis lui demanda :

« Monsieur Hibou,

toi qui a réponse à tous nos problèmes,

tu peux me dire où se trouve la vallée magique des couleurs ? »

 

Monsieur Hibou le regarda longtemps de ses grands yeux.

« C’est la seule question à laquelle je n’ai pas de réponse. »

 

Le petit papillon blanc se sentit tout à coup vide et désemparé.

Tout son monde s’écroula en une seconde.

Pourquoi Monsieur Hibou, qui avait répondre aux questions de tous les autres animaux,

était incapable de donner une réponse

à la seule question qu’il voulait lui poser ?

 

Monsieur Hibou, qui sentait la tristesse envahir le petit papillon blanc,

lui dit encore : « Je n’ai vraiment pas de réponse à te donner.

Personne ne connaît l’endroit précis de la vallée magique des couleurs. »

 

Puis il ajouta : «  Je peux simplement te dire qu’elle est partout et nulle part.

Pour la trouver, il te faudra chercher le soleil et la pluie,

le vent et les nuages,

la lumière et l’ombre.

A ce moment-là et à cet endroit-là,

tu auras trouvé la vallée magique des couleurs

 

 

Par un après-midi d’été, le petit papillon blanc vit un arc-en-ciel.

 

 

Il se souvint des paroles de Monsieur Hibou.

 

Le petit papillon blanc passa sous l’arc-en-ciel et

 

chaque goutte de pluie

 

lui dessina une couleur sur ses ailes.

 

                                                                                                                                                                               

                                                          Jean-Louis GANDON